Allemagne

Hier soir, sur France 2, le candidat de l'UDF a justifié le bien-fondé du leurre centriste en vantant les résultats économiques époustouflants de l'Allemagne, revenue en tête de l'Europe depuis un an et demi, sans toutefois préciser que les salariés et les chômeurs en paient le prix fort.

Afin de séduire les électeurs indécis, François Bayrou a axé sa candidature sur le dépassement des clivages partisans et lunion des gens de bonne volonté, venus dhorizons divers. Il na eu de cesse dinvoquer les exemples étrangers pour faire valoir la pertinence d'un gouvernement d'union nationale. En bon démocrate-chrétien, François Bayrou vante surtout lAllemagne, modèle dentre les modèles pour les centristes, et impute à sa grande coalition l'augmentation de sa production industrielle, sa croissance à nouveau soutenue, ses prodigieux excédents commerciaux, ainsi que sa dette et son chômage qui baissent.

Or la coalition rouge-noire - dont l'origine est avant tout conflictuelle - entre le SPD et les Unions chrétiennes peine à faire avancer son programme. Ce mariage forcé voue les compromis à l'échec, et la seule réforme économique véritable qu'elle a réussi à mettre en place à ce jour est la hausse de la TVA. Aujourd'hui, les deux tiers des Allemands se disent non satisfaits du bilan de ce gouvernement.
Si on gratte un peu, on s'aperçoit que le miracle allemand est détaché de sa politique actuelle : outre un effet structurel d'accélération de la croissance en Allemagne de l'Est, sa reprise se fonde sur la restriction des salaires et l'augmentation du temps de travail sans compensation, négociées entre les syndicats et le gouvernement Schröder pendant près de dix ans ! Ainsi, les industries allemandes ont regagné en compétitivité au détriment des travailleurs. Et là-bas, il faut rappeler que le Smic n'existe pas.

Quant au chômage, il se résorbe en sacrifiant les chômeurs. Travail forcé, jobs à 1 euro : tout est bon pour remettre les arbeitslose au boulot, peu importe les conditions. Les réformes du marché du travail qui portent le nom de Peter Hartz (alors manager et membre de la direction de la Volkswagen, récemment condamné pour corruption et prostitution) ont eu lieu entre 2003 et 2005, toujours sous le gouvernement Schröder. Des mesures drastiques ont jeté des millions d'Allemands privés d'emploi dans la pauvreté et le contrôle social quasi absolus, tandis que les détournements économiques ont fleuri (scandales Mannesmann/Vodafone, Siemens, Arvato/Bertelsmann, BMW/Faurecia...).

L'idolâtrie que semble vouer François Bayrou à nos amis d'outre-Rhin ressemble fort à une imposture.

Au cours de sa campagne, le candidat centriste n'a cessé de vanter l'exemple allemand où droite et gauche gouvernent ensemble. Voici pourquoi importer ce modèle en France serait dangereux.

La grande coalition à l'Allemande n'a pas été choisie par les électeurs

Ceux qui ont voté social-démocrate en Allemagne n'ont jamais souhaité cette alliance, pas davantage que ceux qui avaient voté CDU pour ne plus voir Schröder au pouvoir. Les peuples sont étrangers à cette alliance. Ses seuls responsables appartiennent aux appareils respectifs de la CDU et du SPD. La grande coalition procède d'un accord négocié au cours de longues nuits, au terme d'un marchandage de postes et d'attributions. Là où le président de l'UDF voit la volonté des peuples de dépasser le clivage droite-gauche, il n'y a, en réalité, qu'un traditionnel jeu de donnant-donnant entre deux partis rivaux pour sortir d'une impasse politique et institutionnelle. Le 14 février, le magazine Stern publiait d'ailleurs le verdict du peuple allemand : 57 % des sondés ne sont pas satisfaits du travail de leur gouvernement.

La grande coalition est en train de faire la démonstration de son incapacité à gouverner sur le long terme

La Grande coalition se fissure de partout dès lors qu'il s'agit de faire des choix d'avenir. Citons simplement les incidents de ces dernières semaines :

le SPD (gauche) a été le premier à dégainer au milieu du mois de mars en se lançant dans une dénonciation unilatérale des plans américains de bouclier antimissile, provoquant la colère de leurs alliés de la CDU-CSU (droite) ;
Récidive du SPD quand, la semaine dernière, ceux-ci annoncent leur intention d'instituer un salaire minimum, ce à quoi la droite est opposée puisqu'en Allemagne les salaires sont négociés branche par branche par les syndicats et le patronat ;
Pendant le week-end pascal, le ministre CSU de l'économie a annoncé des baisses d'impôts et notamment de la fiscalité sur les entreprises, provoquant les protestations de la gauche du SPD ;
Le SPD commence à constituer une alliance avec les Verts et les Libéraux, semblant ainsi se préparer à faire exploser la grande coalition.

En prenant l'Allemagne comme exemple de la politique d'union nationale que le candidat du centre prétend incarner, celui-ci se tire une balle dans le pied et démontre tout simplement l'ineptie de ce modèle de gouvernement.

Il existe des différences réelles et profondes entre la droite et la gauche, qu'il est inutile de vouloir gommer : sur la politique fiscale, le temps de travail, la gestion de l'immigration ou la politique de sécurité, la droite et la gauche proposent deux lectures de la société différentes. Leurs projets sont incompatibles, et c'est d'ailleurs pour que chaque citoyen puisse choisir entre ces deux visions que les élections ont été inventées !



20/04/2007
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